Introduction :
Au cours de notre projet, nous serons amenés à acquérir des signaux électriques en provenance du cerveau. Ceux-ci contiennent de l'information utile (caractérisant l'événement ciblé) mais aussi du bruit lié à l'activité cérébrale autre, à l'environnement extérieur (notamment le courant continu à 50Hz) ou encore à des signaux parasites liés à l'activité musculaire ou oculaire du sujet. Ces signaux ne peuvent donc pas être utilisés en l'état et doivent être traités avant de pouvoir les utiliser dans une application.
Le traitement du signal dans une application BCI est composé de deux étapes majeures : le filtrage temporel et le filtrage spatial. Le premier a pour vocation de ne conserver dans le signal que les bandes de fréquences contenant du signal utile. Le second permet quant à lui de sélectionner les canaux utiles (c'est-à-dire les électrodes) par rapport aux états cérébraux visés. Il peut aussi s'avérer utile pour débruiter en éliminant les parties redondantes du signal.
Filtrage temporel :
De manière générale, l'étape de filtrage temporel consiste en l'application de filtres passe-bande et coupe bande. Il en existe deux types : les filtres analogiques et les filtres numériques. Les premiers reposent sur l'utilisation à bon escient des propriétés des composants électroniques de base comme les condensateurs et les bobines. Ils s'appliquent donc directement au signal électrique analogique. Les seconds quant à eux sont utilisables dès lors que le signal est numérisé. Ils sont des solutions algorithmiques permettant de réaliser le filtrage du signal.
Pour ce projet, les filtres numériques semblent bien plus adaptés puisque les signaux acquis des électrodes sont numérisés.
Avant la mise en place de ces filtres, il faut donc se documenter sur les plages de fréquence concernant les états cérébraux ciblés par notre application. Pour cela, il faut tout d'abord étudier les différents rythmes cérébraux existants.
En effet, la résolution spatiale et temporelle des électrodes ne permet pas une analyse extrêmement fine des signaux cérébraux : nous ne serons capables de détecter que les signaux cohérents d'un ensemble de neurones. Les rythmes cérébraux sont alors très pratiques car ils concernent un nombre important de neurones agissant de manière synchrone. Ainsi, un rythme cérébral va produire un motif cérébral relativement reconnaissable dans le signal.
Notre cerveau émet des signaux à différentes fréquences selon son activité. Plus le sujet est dans un état de repos et plus les fréquences d'émission des signaux seront faibles.
À titre d'exemple, nous présentons ici le fonctionnement du rythme sensorimoteur.
Il s'agit d'un rythme cérébral lié à l'exécution d'un mouvement ou de son imagination par un sujet que nous appellerons l'événement par la suite. Lorsque l'événement est terminé, on observe une ERS (event-related synchronization), c'est-à-dire une synchronisation des neurones au sein du cortex moteur, ceux-ci fonctionnant alors au même rythme. Puisque les neurones travaillent de manière coordonnée, la résultante de leurs signaux est importante par résonance. On observe alors un signal fort à ce moment au niveau de l'électrode. Lors de la survenance de l'événement et avant celui-ci, on note l'apparition d'une ERD (event-related désynchronisation). Les neurones se désynchronisent alors et le signal résultant est considérablement amenuisé. Les événements décrits précédemment (ERD et ERS) sont principalement observés dans les bandes de fréquence mu et beta. Ainsi, pour traiter un signal dont on souhaite découvrir une activité musculaire réelle ou imaginée des bras, on pourra filtrer le signal pour ne conserver que ces deux bandes de fréquence et essayer d'observer le motif cérébral décrit précédemment.
Le graphique ci-dessous représente le motif sensorimoteur dans les bandes de fréquence mu et gamma. Il est directement tiré de la thèse de M. Alban Duprès portant sur la conception d'une interface cerveau machine hybride pour pallier le handicape causé par la myopathie de Duchenne.
La puissance du signal est décrite en pourcentage par rapport à une valeur de référence au repos. On observe bien les événements ERD et ERS caractéristiques d'un mouvement réel ou imaginé.
Filtrage spatial :
Le filtrage spatial repose essentiellement sur des manipulations matricielles des données d'entrée. Il s'agit ici d'opérer une sélection sur les électrodes afin de cibler celles susceptibles de contenir du signal utile (par exemple, pour capter un mouvement du bras on ciblera les électrodes situées près du cortex moteur).
Ce travail de filtrage dans l'espace des signaux recueillis est largement facilité par le fait que le positionnement des électrodes sur la tête d'un sujet est soumise à une nomenclature internationale nommée 10-20. Il est alors possible de savoir aisément quelles électrodes sont pertinentes pour l'étude d'un état mental particulier en se référant à la littérature existante sur le sujet.
De plus, un filtre régulièrement utilisé dans les applications BCI est le filtre Laplacien. Il consiste à soustraire au signal de l'électrode souhaité la moyenne des signaux des électrodes environnantes. Il permet ainsi de considérablement “débruiter” le signal en provenance d'un canal en éliminant notamment l'activité mentale de fond.
Voici ci-dessous une illustration de principe du filtre Laplacien. Sur ce schéma, l'électrode C3 est soumise à un filtrage établi sur la moyenne des électrodes FC3, C5, CP3 et C1.
Il existe également une version plus rudimentaire nommée filtre bipolaire. Il s'agit, pour une électrode donnée, de calculer une valeur de signal en s'appuyant sur le différentiel entre le signal de l'électrode suivante et celui de l'électrode précédente.
Le schéma ci-dessous explicite le concept du filtre bipolaire. La valeur de signal calculée pour C3 est alors simplement égale à FC3 CP3.
Extraction de caractéristiques :
Il existe plusieurs manières d'extraire des caractéristiques du signal préalablement filtré dans les domaines spatiaux et fréquentiels. Certaines de ces méthodes font appel à des méthodes de machine learning afin de sélectionner des caractéristiques pertinentes dans le signal.
Pour commencer, une méthode d'extraction de caractéristiques simple mais efficace pouvant être mise en place est le moyennage temporel. Il s'agit donc dans un premier temps de mettre au carré le signal filtré puis faire la moyenne dans le temps du signal afin de réduire le nombre de données.
En effet, un signal échantillonné à 250 Hz va générer 250 valeurs par seconde. Un nombre aussi élevé risquerait de fausser notre intelligence artificielle selon la malédiction de la dimension, conjecturant qu'un nombre de caractéristiques trop élevé empêche l'IA d'apprendre correctement.
En réalisant un moyennage temporel sur un signal échantillonné à 250 Hz, nous pourrions ainsi par exemple passer de 250 valeurs par seconde à 25 si on prend une durée de moyennage égale à 0.1 seconde.